Quand le sommeil s’invite au comptoir : Rôle du pharmacien dans l’accompagnement des troubles du sommeil


Résumé :

Le pharmacien, acteur de Santé Publique de proximité, joue un rôle clé dans la prévention et le dépistage des troubles du sommeil. Grâce à sa position privilégiée, il accompagne les patients vers une meilleure qualité de sommeil.

Au-delà de la délivrance de médicaments, le pharmacien s’affirme aujourd’hui comme un véritable acteur de Santé Publique, grâce à son rôle de dépistage, d’éducation et de prévention. Son rôle est double : identifier les troubles et orienter les patients vers la solution la plus adaptée : un conseil, un médicament, ou le médecin.
Cet article met en lumière la valeur de ce rôle unique, où rigueur scientifique et proximité humaine se rencontrent pour accompagner le sommeil.

Le pharmacien comme relais de prévention et d’éducation


Dans le tourbillon quotidien, entre journées chargées et nuits souvent trop courtes, le sommeil devient un trésor fragile que beaucoup peinent à préserver. Les troubles du sommeil touchent un nombre important de personnes, ­affectant leur santé et leur qualité de vie. Si le médecin est évidemment le pivot de la prise en charge, le pharmacien occupe, lui aussi, une place prépondérante : proche du patient, accessible sans rendez-vous grâce à la souplesse horaire de l’officine, il écoute, analyse et oriente.

Un acteur de proximité face aux troubles du sommeil


Les pharmaciens connaissent bien leurs patients, ils les voient plus souvent que le médecin. Un véritable lien de confiance s’est tissé, encore renforcé par les nouvelles missions. Une question, un petit bobo… on se rend chez le pharmacien, professionnel de santé de premier recours, pour bénéficier de son regard expert et de son conseil.

Le sommeil ne fait pas exception à la règle : cette thématique, tout comme le stress, occupe bien le premier plan, ils sont d’ailleurs souvent couplés. Après une nuit difficile, une période de tensions personnelles ou professionnelles, beaucoup viennent chercher une oreille attentive et une réponse à ce sommeil devenu fragile.

Le rôle du pharmacien dans le repérage et les signes d’alerte


En officine, nous sommes nombreux à entendre des patients se plaindre de troubles du sommeil ou d’un sommeil jugé non réparateur, tout en nous demandant, dans la même conversation, « quelque chose pour dormir » et un « booster » pour rester efficaces. Ces situations rappellent combien notre rôle de repérage est essentiel. En tant que professionnels de santé, il nous appartient d’aller au-delà de la demande immédiate pour interroger les causes afin d’en identifier la raison, ou tout simplement d’évaluer si la durée de sommeil est suffisante — un sommeil non réparateur ne relève pas nécessairement d’un stimulant, mais souvent d’une orientation médicale. Deux éléments doivent être pris en compte au comptoir : la quantité de sommeil et la qualité du réveil, qui en dit souvent long sur la qualité du sommeil lui-même.

Quand le sommeil se raconte plus qu’il ne s’évalue


Une difficulté des troubles du sommeil réside dans leur subjectivité : chaque patient décrit son ressenti, son vécu. À nous d’y apporter un peu d’objectivité. Combien de fois entendons-nous : « je ne dors pas du tout » ou « je ne dors que 3 heures par nuit » ? Ces affirmations, bien qu’improbables sur le plan physiologique, traduisent une souffrance réelle. Les patients se focalisent le plus souvent sur la quantité de sommeil, rarement sur sa qualité. Il faut donc décrypter, écouter autrement, et repérer derrière ces mots les véritables signaux d’un sommeil altéré.

Les plaintes de sommeil sont souvent très générales : il nous appartient donc d’interviewer le patient afin de savoir quels sont les véritables problématiques de son sommeil : parvient-il à s’endormir ? Se réveille-t-il la nuit ? Trop tôt le matin ? A-t-il des soucis en ce moment ? Ses activités professionnelles et personnelles lui permettent-elles de dormir le nombre d’heures qui lui sont nécessaires ?

Écouter, questionner, repérer


Des outils simples, comme l’agenda de sommeil ou l’échelle d’Epworth, permettent d’esquisser une image plus objective du sommeil — une photographie certes imparfaite, mais précieuse pour affiner notre écoute.
Le rôle du pharmacien ne se limite pas à répondre à une demande de « quelque chose pour dormir » ou de « quoi prendre contre la fatigue ». Au-delà des contre-indications, derrière un besoin de « booster », ou une plainte de stress, il y a souvent une histoire de sommeil qui s’écrit en creux.

Certaines ordonnances en disent parfois long : un traitement neurologique (syndrome des jambes sans repos, maladie de Parkinson…), une association médicamenteuse… autant de signaux qui peuvent éveiller le soupçon d’une apnée ou d’un autre trouble. Oser poser deux questions toutes simples — « Avez-vous la sensation de bien dormir ? » et « Êtes-vous reposé le matin ? » —, c’est déjà ouvrir la porte à une vraie vigilance.

Le pharmacien, acteur central du système de soins


Comme pour bien d’autres sujets de santé, la coordination avec nos médecins de proximité prend tout son sens lorsqu’il s’agit du sommeil. Un meilleur accompagnement des patients passe par cette complémentarité. Mais encore faut-il que chacun soit formé, pharmacien et médecin. Être formé, c’est savoir repérer, orienter, et surtout savoir quand passer la main. Connaître ses limites est l’une des formes très importantes d’intelligence professionnelle, mais aussi une des plus difficiles à réaliser.

Le sommeil, une vigilance de chaque instant


Nous connaissons nos patients, parfois depuis longtemps. Nous les voyons grandir, vieillir, changer. Cette proximité nous permet souvent de repérer des signes discrets : un enfant qui respire par la bouche ou qui bave dans sa poussette, un adulte toujours fatigué, une ordonnance qui soulève peut-être des questions. Ces observations sont précieuses pour prévenir des troubles du sommeil parfois négligés.

Bien entendu, notre rôle consiste aussi à sécuriser les traitements : rappeler qu’une doxylamine n’est pas adaptée chez la personne âgée, s’assurer qu’un hypnotique n’a pas une demi-vie trop longue pour éviter une chute. Ces précautions peuvent sembler anodines, mais elles préviennent parfois la perte d’autonomie. De même, il est essentiel de rappeler qu’un somnifère, une plante ou de la mélatonine ne se prennent pas « en pleine nuit », sous peine de perturber davantage les rythmes biologiques, au-delà de leur délai d’action.

Malheureusement, avec la pénurie de médecins traitants, le suivi global des patients se fragilise en France. Le pharmacien devient alors souvent le fil conducteur de cette continuité. Prévenir, observer, orienter, sécuriser : c’est aussi cela, veiller sur le sommeil.

L’auteur déclare des liens d’intérêt avec Havea Group et Laboratoires NHCO.

Quand le sommeil se partage mal


Le sommeil se vit souvent à deux… et parfois, c’est justement là que le bât blesse. Entre ronflements et nuits hachées, le compagnon de lit devient malgré lui veilleur nocturne. Le réflexe « somnifère » n’est évidemment pas la réponse. Mieux vaut orienter le ronfleur vers une consultation ou une prise en charge adaptée — démarche souvent délicate pour celui ou celle qui subit, mais essentielle pour retrouver la santé et des nuits paisibles de part et d’autre du lit.

Le sommeil des enfants, une autre histoire


Un changement de rythme, quelques nuits trop courtes, et les parents s’inquiètent. Les routines s’allongent, le cododo s’organise, les gadgets s’accumulent, les veilleuses s’allument… avant qu’ils ne cherchent de l’aide pour apaiser les nuits de la famille.
Bien souvent, rien de tout cela ne serait nécessaire si de bonnes habitudes de sommeil étaient instaurées et si les conseils du pédiatre étaient suivis avec régularité. Il faut aussi savoir faire preuve de patience : un enfant évolue à son propre rythme. Dormir seul est un apprentissage comme les autres, qu’il doit acquérir.
La prévention et l’éducation à la santé font aussi partie de nos prérogatives, ­ainsi nous avons notre part à jouer en répétant les bonnes habitudes de ­sommeil qui sont un prérequis pour un sommeil réparateur.

La mélatonine : solution miracle ?


C’est la mélatonine que l’on nous dépose sur le comptoir, souvent perçue comme une molécule miracle, capable de résoudre tous les troubles du sommeil, parfois associée à des plantes. En tant que professionnels de santé, il nous revient de conseiller avec rigueur scientifique et pédagogie, afin de repositionner la mélatonine dans ses véritables indications, une fois les bonnes habitudes de sommeil bien installées.
Face à une population impatiente, l’exercice n’est pas simple. Le sommeil, lui, ne se décrète pas : il s’invite lorsque les premiers signes d’appel — bâillements, paupières lourdes, nuque raide — se manifestent. Dans une société où tout va si vite, les patients veulent s’endormir sans attendre, sans consultation, et souvent sans changer leurs habitudes. « Donnez-moi de la mélatonine, des plantes, de la doxylamine… ». Pourtant, difficile de trouver le sommeil sans lâcher son portable ou sa tablette dans le lit, ou sans réorganiser son planning d’entraînement sportif — notamment chez les adolescents, déjà souvent en décalage de phase, mais contraints de s’entraîner après leurs cours.