Les troubles du sommeil chez les enfants

Associations et conséquences sur le développement psychique et le parcours académique

Les troubles du sommeil ont une prévalence de 25 à 50 %. Malgré le nombre important d’enfants concernés, les médecins s’intéressent rarement à comment l’enfant dort et très peu de médecins sont formés au sommeil de l’enfant, ce qui implique la connaissance de ce qui est normatif ou non.

Les plaintes des parents 

  • Mon enfant dort très mal.
  • Il se réveille plusieurs fois la nuit.
  • L’heure du coucher est un cauchemar : il nous faut 1 ou 2 heures pour le mettre au lit.
  • Il a peur du noir, de sa chambre et ne veut pas dormir tout seul.
  • Il est très difficile à le faire sortir
  • du lit le matin.
  • Pour lui, la nuit c’est comme le jour.
  • Il cherche des excuses pour ne pas rester au lit (aller aux toilettes, boire de l’eau…).
  • Il doit dormir avec de la lumière .
  • Dès qu’il se réveille la nuit, il vient dans notre chambre ou nous appelle.
  • Il bouge beaucoup, le lit est comme un champ de bataille.
  • Il se réveille dès 5 heures et veut jouer, sa journée a commencé.
  • J’essaye de l’épuiser pendant la journée mais, même fatigué, il ne dort pas.

De plus en plus d’études nous permettent de comprendre le lien entre sommeil, comportement et développement émotionnel chez les enfants et adolescents et d’améliorer la connaissance sur les conséquences de la privation et de la fragmentation du sommeil sur le développement cognitif et neurocomportemental.

Ces études mettent en évidence l’existence d’une base génétique et neurobiologique dans la régulation du sommeil signalant que la relation entre les troubles du neurodéveloppement et du comportement et les troubles du sommeil est bidirectionnelle et complexe.

Les études épidémiologiques montrent que les enfants atteints de troubles psychiatriques et neurologiques ont une grande prévalence de troubles du sommeil comme de la résistance au coucher, des terreurs nocturnes, un sommeil agité, de l’énurésie ou des mouvements périodiques. 

Dans l’autre sens, le manque de sommeil majore les troubles neurocomportementaux et émotionnels et a des conséquences négatives sur les fonctions cognitives entraînant une agitation, inattention, anxiété, dépression et autre.

La présence de troubles du sommeil chez les enfants affecte de façon importante leur qualité de vie et celle de sa famille.

Des troubles différents selon l’âge

Chez les nourrissons et enfants en bas âge, le trouble le plus fréquent est l’insomnie comportementale de la petite enfance, quand les enfants n’arrivent pas à s’endormir sans l’intervention des parents qui sont obligés d’accompagner l’enfant, le bercer, lui donner un biberon etc. Autour de l’âge scolaire, on peut retrouver les parasomnies de type terreurs nocturnes, somnambulisme, cauchemars. Chez les adolescents, le problème plus fréquent est le retard de phase avec un endormissement tardif, aggravé par l’utilisation des écrans.

Les troubles spécifiques du sommeil se retrouvent cependant à tout âge : les troubles respiratoires obstructifs du sommeil (TROS), le syndrome de jambes sans repos (SJSR), les mouvements périodiques de sommeil (MPS).

Les fonctions du sommeil.

  • Récupération : conservation ou économie d’énergie 
  • Mémoire : encodage et consolidation de la mémoire lors du sommeil lent
  • Apprentissages et développement : le sommeil paradoxal augmente la plasticité neuronale et développe la maturation cérébrale
  • Sécrétion hormonale : rôle dans le métabolisme glucidique, la croissance, la conservation du poids
  • Immunité : le sommeil module la production et la libération de cytokines
  • Individuation psychologique

Conséquences des troubles du sommeil chez l’enfant.

  • Insomnie : conséquences scolaires (absentéisme), perturbation de la dynamique familiale 
  • Fragmentation de sommeil et micro-éveils : activation autonomique, hypertension, tachycardie
  • Privation de sommeil : diminution des performances, troubles de l’attention et de la concentration, impulsivité
  • SAOS : risque accru de pathologie cardiovasculaire, obésité, diabète
  • SJSR : fragmentation du sommeil 
  • Risque infectieux 
  • Altération de la croissance

Troubles respiratoires du sommeil (TRS) et syndrome d’apnées

Le SAOS chez l’enfant est un syndrome neurocomportemental. 

Les TRS comprennent :

1. Le TDAH (trouble de l’attention/hyperactivité).

2. Les troubles des apprentissages.

3. Les comportements suggérant une somnolence diurne excessive.

Les troubles respiratoires obstructifs ont de nombreuses conséquences chez les enfants

Somnolence diurne excessive (SDE)

Les enfants avec des TRS, et surtout ceux en obésité, ont souvent une SDE [1, 2].

Il a été démontré que 40 à 50 % des enfants SAOS présentent une SDE sur les questionnaires validés et que 13 à 20 % des cas ont été objectivés avec le test de latence d’endormissement (TILE). Cette association est plus importante lorsqu’il y a une obésité. La SDE peut se manifester par une hyperactivité, avec un risque accru dans certaines populations.

Hyperactivité et symptômes d’inattention

Les TRS, indépendamment de leur sévérité, sont associés à une fréquence accrue des symptômes de TDAH [3-7].

30 % de tous les enfants ronfleurs ou avec un SAOS vont manifester des symptômes d’hyperactivité et d’inattention [3-7].

Les enfants avec un SAOS léger montrent une attention soutenue et sélective réduite [8].

Plusieurs méta-analyses montrent que les symptômes de TDAH sont liés aux TROS et qu’ils s’améliorent après l’adénotonsillectomie. De plus, il est conseillé de dépister le SAOS chez les enfants avec une symptomatologie de TDAH et de considérer de traiter le SAOS, s’il est présent, avant de commencer un traitement pharmacologique pour le TDAH.

Intelligence : réduction des scores

Les réductions sont visibles sur les résultats en intelligence générale, intelligence verbale, fonctions exécutives, apprentissage, mémoire, capacités visiospatiales, compétences phonologiques, formation de concepts, pensée analytique et compétences mathématiques [7, 9].

Les enfants ronfleurs ont une réduction de 10 points de QI par rapport aux enfants non ronfleurs (contrôles).

Le WISC montre une diminution de la mémoire de travail verbale et des altérations des fonctions exécutives avec un moindre impact sur le QI visiospatial, pour laquelle il pourrait exister une susceptibilité génétique.

Moindre performance scolaire et prévalence augmentée de difficultés académiques

Elles sont persistantes après résolution des ronflements, ce qui suggère des déficits résiduels à long terme sur la capacité d’apprentissage [1, 10].

Les enfants avec des TRS ont une prévalence augmentée de troubles cognitifs et de difficultés académiques qui ne sont pas corrélées aux index d’apnées de la polysomnographie.

Deux études ont montré une prévalence augmentée de symptômes de TRS chez les enfants de CP situés dans les 10 % les plus bas de la classe et une amélioration des performances après le traitement.

Les symptômes de TRS sont associés à des notes plus basses en mathématiques, en lecture et en sciences. Les enfants avec des TRS ont une moindre performance dans les tests phonologiques (qui mesurent la conscience phonologique, compétence critique pour la lecture) que les enfants contrôles.

Les symptômes de TRS pendant la petite enfance ont été associés à un risque ultérieur de mauvaise performance scolaire au collège, suggérant une fenêtre de vulnérabilité où une atteinte dans une période développementale clé peut se manifester phénotypiquement plus tard.

Troubles comportementaux et psychiatriques 

Les enfants avec TRS ont une fréquence augmentée de troubles du comportement (troubles de la conduite, labilité émotionnelle, anxiété et symptômes dépressifs).

Les troubles du comportement et psychiatriques fréquents chez les enfants avec TRS, tels que l’inattention, l’instabilité émotionnelle, l’agressivité, les mauvaises compétences sociales, peuvent perturber les processus d’apprentissages naturels formatifs de façon précoce.

On remarque plus d’anxiété et de symptômes dépressifs chez les enfants SAOS (cet effet est plus marqué si obésité) et une moindre qualité de vie avec une amélioration après le traitement.

Les troubles du comportement peuvent être plus importants que les troubles cognitifs chez les enfants avec SAOS (cela est encore plus évident chez les enfants ronfleurs “bénins”). 

Un comportement agressif est plus fréquent chez enfants avec TRS et les enfants agressifs ont deux fois plus de chance de présenter des TRS.

Les effets des TRS sur la cognition ou le comportement peuvent être faibles, atteindre seulement une partie des enfants concernés et ne pas être toujours réversibles. Les troubles du comportement peuvent aussi être les médiateurs des effets des TRS sur la cognition.

Troubles du sommeil associés aux troubles neuropsychiatriques chez l’enfant.

  • TDAH : trouble de l’initiation du sommeil, syndrome des jambes sans repos et des mouvements périodiques de sommeil, énurésie, parasomnies, ronflements 
  • Trouble anxieux : difficulté d’initiation et du maintien du sommeil, cauchemars, co-sleeping
  • Dépression : latence de l’endormissement allongé, efficacité de sommeil réduite, somnolence diurne
  • Trouble du spectre autistique : insomnie, trouble du rythme circadien
  • Troubles comportementaux : prévalence augmentée de SAOS, fragmentation du sommeil, retard de phase

Syndrome de jambes sans repos et mouvements périodiques du sommeil

« Il a un sommeil très agité, bouge beaucoup, donne des coups de pied, se plaint d’avoir mal aux jambes et ne tolère pas d’être couvert. »

Le SJSR ressemble à celui de l’adulte avec une plainte d’inconfort au niveau des jambes (fourmillements, crampes, picotements, décharges électriques) qui oblige l’enfant à bouger les jambes pour se soulager. Cette pathologie touche 2 à 5 % des enfants avec une prévalence de 20 à 30 % chez des enfants ayant un TDAH.

Le SJSR précoce est souvent familial : on retrouve des antécédents -familiaux de SJSR chez 71 % des enfants de
8-11 ans et 80 % des enfants entre 12 et 17 ans, avec deux parents affectés dans 16 % des cas [11].

L’apparition des troubles du sommeil précède de plusieurs années le diagnostic de SJSR. Celui-ci s’accompagne souvent de la présence de mouvements périodiques du sommeil. Il s’agit de mouvements de dorsiflexion des pieds lors du sommeil à une fréquence spécifique. Le diagnostic est polysomnographique avec un index de MPS supérieur à 5/heure.

On retrouve un pourcentage plus élevé de MPS dans le SJSR, le SAOS, la narcolepsie et le TDAH.

Les MPS, même sans SJSR, peuvent entraîner une activation autonomique des difficultés d’initiation ou du maintien du sommeil ou encore un sommeil non réparateur.

Un bilan biologique est nécessaire pour dépister une potentielle carence de fer qui est très souvent associée à cette pathologie.

Retard de phase de l’adolescent

Le problème le plus fréquent de sommeil chez les adolescents est le retard de phase. Durant la puberté, un décalage de la sécrétion de la mélatonine, une hypersensibilité à la lumière du soir et une hyposensibilité à la lumière du matin seraient à l’origine de l’allongement de la latence d’endormissement chez les adolescents. Le sujet a du mal à s’endormir et passe très souvent de longs moments sur un écran, ce qui aggrave le décalage.

En conséquence, les adolescents sont en privation de sommeil, avec une durée de sommeil insuffisante durant la semaine de cours, qu’ils essaient en général de rattraper les week-ends avec des grasses matinées qui perpétuent le décalage.

Dans les cas sévères, ils n’arrivent pas à se lever le matin pour aller en cours avec des taux importants d’absentéisme et même des cas de déscolarisation.

Troubles des apprentissages et troubles du sommeil

Plusieurs études ont mis en évidence l’augmentation de la prévalence des troubles respiratoires, des insomnies, des parasomnies et des sommeils non réparateurs ches les enfants ayant un trouble « dys » par rapport aux enfants sans trouble du neurodéveloppement.

Troubles de l’attention et hyperactivité : forte corrélation bidirectionnelle avec les troubles du sommeil

De nombreuses publications signalent que les enfants avec un TDAH ont fréquemment des troubles du sommeil. La plupart ont un retard de phase avec une insomnie d’endormissement qui peut s’aggraver avec la médication.

La présence d’un SJSR et des MPS est plus élevée chez les enfants ayant un TDAH : une physiopathologie commune avec un déficit central de fer a été démontré avec l’utilisation de l’imagerie fonctionnelle.

Les TROS doivent être recherchés compte tenu de la présence de symptômes d’inattention et d’hyperactivité chez les enfants atteints d’un syndrome d’apnées du sommeil. Les troubles du sommeil peuvent à leur tour mimer ou majorer les symptômes de TDAH.

CONCLUSION

Les troubles du sommeil ont une prévalence importante dans la population pédiatrique pouvant toucher les apprentissages, la croissance, le métabolisme, l’immunité et les émotions. Les dépister et les traiter est une partie importante du suivi des enfants, car les conséquences peuvent être irréversibles.

Références :
1. Gozal D, Wang M, Pope DW. Objective sleepiness measures in pediatric obstructive sleep apnea. Pediatrics 2001 ; 108 : 693-7
2. Melendres MC, Lutz JM, Rubin ED, Marcus CL. Daytime sleepiness and hyperactivity in children with suspected sleep-disordered breathing. Pediatrics 2004 ; 114 : 768-75.
3. Chervin RD, Dillon JE, Bassetti C et al. Symptoms of sleep disorders, inattention, and hyperactivity in children. Sleep 1997 ; 20 : 1185-92.
4. Chervin RD, Hedger K, Dillon JE, Pituch KJ. Pediatric sleep questionnaire (PSQ): validity and reliability of scales for sleep-disordered breathing, snoring, sleepiness, and behavioral problems. Sleep Med 2000 ; 1 : 21-32.
5. Chervin RD. Periodic leg movements and sleepiness in patients evaluated for sleep-disordered breathing. Am J Respir Crit Care Med 2001 ; 164 : 1454-8.
6. Montgomery-Downs HE, O’Brien LM, Gulliver TE, Gozal D. Polysomnographic characteristics in normal preschool and early school-aged children. Pediatrics 2006 ; 117(3) : 741-53.
7. Gozal D. Obstructive sleep apnea in children: implications for the developing central nervous system. Semin Pediatr Neurol 2008 ; 15 : 100-6.
8. Blunden S, Lushington K, Kennedy D et al. Behavior and neurocognitive performance in children aged 5-10 years who snore compared to controls. J Clin Exp Neuropsychol 2000 ; 22 : 554-68.
9. Kheirandish-Gozal L. What is «abnormal» in pediatric sleep? Respir Care 2010 ; 55 : 1366-74.
10. Gozal D. Sleep-disordered breathing and school performance in children. Pediatrics 1998 ; 102 : 616-20.
11. Picchietti D, Allen RP, Walters AS et al. Restless legs syndrome: prevalence and impact in children and adolescents–the Peds REST study. Pediatrics 2007 ; 120 : 253-66.