Histoire de machine(s) L’IA au bservice de la médecine du sommeil

Une interview du Dr Frédéric Le Guillou, 

Pneumologue et président de l’association Santé respiratoire France 

Au carrefour de la startup et du think tank, Santé respiratoire France rassemble patients, aidants et professionnels de santé pour se pencher sur la question du parcours de soins et de la qualité de vie des personnes atteintes de pathologies respiratoires.

Alerter, innover et rassembler sont les objectifs de cette association qui dialogue aussi bien avec les pouvoirs publics qu’avec le grand public afin de trouver des solutions pour améliorer et rendre accessible la santé respiratoire.

QUELS SONT LES PROJETS EN COURS ?

Cette année nous avons la santé digitale comme fil rouge, également thématique des rencontres organisées le 14 octobre 2022 au Sénat.
Concernant nos projets de l’année, nous venons de mettre en ligne la plateforme Respir’Agora (Disponible sur : www. respiragora.com) qui a pour objectif de créer du lien social entre les patients, par géolocalisation ou par référencement des différentes associations de patients en France.
Il y aussi le RespiLab (Disponible sur : www.respilab.com) qui nous permet de co-construire des projets, avec l’ensemble des parties prenantes du domaine de la santé respiratoire, adaptés aux besoins des patients (enquêtes, analyses de comportement, groupes de travail).
De manière plus générale, nous avons à cœur de toujours mettre en avant et encourager le lien social qui est essentiel pour favoriser, chez les patients, l’activité physique notamment. Cela nous permet par exemple de créer des événements tels « Golf et BPCO » ou encore des we- binaires.

La médecine connectée est un outil de démocratie sanitaire qui nous permet aussi bien d’ouvrir aux patients l’accès à la prise en charge que de fournir des données épidémiologiques aux médecins.

QUELLE EST, AUJOURD’HUI, LA PLACE DE LA MÉDECINE CONNECTÉE DANS LA SANTÉ, ET PLUS PARTICULIÈREMENT LES PATHOLOGIES RESPIRATOIRES ?

Que ce soit la télémédecine ou l’intelligence artificielle, la médecine connectée est aujourd’hui présente de la recherche à la clinique. Elle permet d’améliorer la précision des diagnostics et des pronostics, et d’avoir une médecine plus personnalisée et ciblée. En cela, elle est un outil de démocratie sanitaire qui nous permet aussi bien d’ouvrir aux patients l’accès à la prise en charge que de fournir des données épidémiologiques aux médecins. Elle représente l’avancée de la technologie et son succès est le reflet de son utilité et du confort qu’elle amène aux patients et aux praticiens.

En pneumologie, la médecine connectée a évidemment toute sa place, que ce soit pour les médecins ou les patients. Par exemple pour les épreuves fonctionnelles respiratoires, les algorithmes sont quasiment capables de faire des diagnostics automatisés. Cela permet d’être plus efficace dans le diagnostic en orientant les médecins grâce à l’aide technologique. De même, en radiologie, il est aujourd’hui possible d’identifier des nodules grâce à des algorithmes.

Côté patients, des systèmes digitaux interviennent désormais pour le suivi des maladies chroniques, grâce à la télésurveillance. Les apnéiques, bien sûr, mais aussi les insuffisants respiratoires sous ventilation non invasive ou sous oxygène. Cela favorise le domicile et raccourcit les temps d’hospitalisation.

QUELS SONT LES RETOURS DES PATIENTS ?

Concernant la télésurveillance, cette dernière peut être couplée avec la télé-consultation ; et il en ressort un intérêt certain pour les patients. Cela évite les déplacements pour des consultations où l’examen physique n’est pas nécessaire. Le suivi n’en est que meilleur, particulièrement pendant cette période Covid-19 où il a été risqué de faire venir nos patients très à risque d’infections.

Les patients ont aussi accès à des applications, comme des robots conversationnels [des chatbots], VIK pour l’asthme, développé avec l’association Asthme & Allergie, Vik BCPO avec Santé respiratoire France.

Cela dit, ces effets s’observent notamment pour les patients qui adhérent déjà aux écrans et qui ont l’habitude d’avoir des tablettes et des téléphones en usage quotidien. Il existe encore des zones blanches en France, ainsi qu’une tranche de la population qui n’adhère pas aux outils connectés. Mais, de manière générale, je dirais que cela peut définitivement améliorer adhérence et observance des patients.

Améliorons les prises en charge et gardons l’avis du spécialiste là où il a une vraie valeur ajoutée.

QU’EST-CE QUE CELA PEUT APPORTER À LA MÉDECINE ?

Ces outils d’aide au diagnostic seront là pour relever le défi de l’errance diagnostique. Il faut savoir qu’aujourd’hui, 1 milliard de personnes dans le monde ont un syndrome d’apnées du sommeil, et on estime que 30 millions de personnes en Europe ne sont pas traitées alors qu’elles devraient l’être. En France, il y a environ 7 à 8 millions de personnes qui en seraient touchées, mais seulement 1,5 million est pris en charge. Il y a donc beaucoup à faire en matière d’accès à la santé respiratoire, et je pense que la médecine connectée pourra, là aussi, être d’une grande aide pour améliorer ces chiffres et garantir un plus grand dépistage de la population. Et ce, d’autant plus que les délais diagnostiques dans les centres sommeil, éprouvés par la crise Covid-19, se sont allongés mettant en exergue les carences du système de santé. En dehors des examens standards, pour rendre service à la population, il va falloir travailler à concevoir des outils diagnostiques embarqués, à l’aide de l’intelligence artificielle. De nombreuses entreprises travaillent d’ailleurs sur ces questions avec, notamment, la création de night pack qui, envoyés au domicile de potentiels patients, permettent de faire des enregistrements de données à distance.

Tout le monde doit pouvoir avoir accès à de nouvelles méthodes de diagnostic afin d’en détecter un plus grand nombre. Ils existeront évidemment en complément des autres examens et seront avant tout l’outil des médecins. Tant que les algorithmes sont de bonne qualité, ils seront utilisés par d’autres professionnels de santé afin de détecter et de rediriger vers les pneumologues. Il y aura du travail pour tout le monde ! Améliorons les prises en charge et gardons l’avis du spécialiste là où il a une vraie valeur ajoutée.

Une médecine personnalisée et porteuse d’espoir.

Pour le suivi, la télésurveillance permet d’avoir un accès à une immense base de données, issues des machines, sur les index respiratoires, les pressions machines, les fuites au niveau des masques ou encore la durée d’utilisation. Les bases épidémiologiques nous permettront ainsi d’améliorer prise en charge et connaissances.

Les patients auront aussi accès à ces données, leur laissant le pouvoir d’être plus aux commandes de leur prise en charge.

Dans tout cela, il faut noter deux points importants. Premièrement, l’inscription dans la loi des limites de l’intelligence artificielle qui, aujourd’hui, ne peut s’utiliser sans en informer le patient dans le cadre de sa prise en charge. Deuxièmement, il est intéressant de dire que les médecins du XXIe siècle doivent être de véritables humanistes. La finalité est de permettre le plus possible aux patients de rester épanouis et de conserver une vie sociale positive, avec un optimisme et une confiance dans la médecine (connectée). C’est une médecine personnalisée et porteuse d’espoir. Comme l’a écrit Spinoza, « chaque fois que nous augmentons notre puissance d’agir nous sommes dans la joie ». Des patients biens pris en charge, ce sont des patients épanouis.