
MOTS DE LA PATIENTE
Cela faisait quelques années que j’avais de plus en plus de difficultés à m’endormir. Je l’attribuais au fait que mon cerveau travaillait plus que d’habitude, du fait de certains événements personnels et professionnels. J’avais tantôt des insomnies au moment de m’endormir, tantôt des réveils au milieu de la nuit avec impossibilité de me rendormir. J’avais également un mal fou à sortir de mon sommeil le matin, mon mari mettait parfois 30 minutes avant de pouvoir me réveiller, mes yeux ne voulaient pas s’ouvrir et ma tête tombait toute seule. Dans le cadre d’une opération chirurgicale, je me souviens même m’être dit « vivement que je sois anesthésiée que je puisse dormir ». Pourtant, même ces quelques heures passées sous anesthésie n’ont pas suffi et j’ai mis du temps à me réveiller après cela. J’entendais l’infirmière en salle de réveil me crier « Madame D, Madame D, respirez ! ».
DES ANTÉCÉDENTS FAMILIAUX
Je savais que mes parents faisaient tous les deux de l’apnée du sommeil, j’en ai donc parlé à notre médecin de famille qui m’a redirigée vers un médecin du som- meil. Ce dernier a tout d’abord relié les difficultés à l’endormissement, les réveils nocturnes et la fatigue au fait que je n’arrivais pas à arrêter mon cerveau. Il m’a ensuite fait passer une polysomnographie qui a révélé une apnée sévère avec 54 apnées par heure, près d’une vingtaine d’arythmies et 366 micro-réveils sur 5 h de “sommeil”.
J’avais 49 ans à l’époque, une bonne forme physique et une bonne hygiène de vie, et je ne pouvais pas imaginer que j’avais un syndrome d’apnées du sommeil, pour moi c’était une maladie de vieux. J’ai eu beaucoup de mal à accepter le diagnostic, dans le cabinet de mon médecin je me disais « me voilà branchée à une machine, ma vie va basculer et je ne serai plus normale ». Je pensais à mes parents, emmenant leur machine en vacances, à ma vie de couple. Bien que mon médecin ait essayé de me rassurer sur les traitements et sur la future amélioration de ma santé, cette annonce a bouleversé ma vie. Je me demandais ce que j’avais fait pour en arriver là.
TOURBILLON DE PENSÉES
Avant de savoir que j’avais une apnée du sommeil, j’étais persuadée que le problème venait de moi et de mes difficultés à me vider la tête. Je ne me sentais pas spécialement stressée dans la journée, mais mon tempérament plutôt perfectionniste m’amenait à penser beaucoup pour planifier et organiser le quotidien, la semaine, les vacances, etc. Il y a eu aussi certains événements familiaux qui me préoccupaient beaucoup pendant cette période, et qui requerraient du temps. Mon médecin traitant m’avait même prescrit un médicament qui devait m’aider à apaiser mes pensées au moment du coucher. Le médicament m’aidait à m’endormir, mais je me réveillais tout de même au milieu de la nuit et ne pouvais pas me rendormir. J’étais de plus en plus épuisée et dès que j’arrivais au domicile de patients qui étaient mal éclairés, je ressentais immédiatement l’envie de dormir, et il était difficile de rester éveillée. En revanche, je n’avais pas ces somnolences en voiture.
UN NOUVEAU QUOTIDIEN
Actuellement, j’ai une machine pour dormir. Il m’a fallu 1 mois pour m’y adapter et même si je la supporte bien désormais, je ne me fais toutefois toujours pas à ce nouveau mode de vie. La plupart du temps j’arrive à faire une nuit complète avec, mais il m’arrive quelques fois de me réveiller dans la nuit et de l’enlever. À ce moment-là, je suis bien contente de finir ma nuit sans ! Je me réveille enfin correctement, même si je ne garde pas la machine toute la nuit.
La première fois que j’ai dû l’emporter avec moi en vacances, je n’osais pas la poser sur ma table de nuit à l’hôtel, en sachant que les personnes qui font le ménage allaient pouvoir tomber dessus et penser que j’étais “handicapée”. Je ne voulais pas que l’on puisse “rentrer” dans ma vie privée et que l’on sache que j’avais un problème de santé. Concernant ma vie de couple, mon mari a émis le souhait de ne pas me voir avec la machine branchée. Je me branche donc après qu’il se soit endormi ou qu’il éteigne la lumière ; le matin j’enlève mon masque avant son réveil. Ce compromis me convient également, et je ne veux pas lui imposer ça ; maintenant que j’ai intégré l’idée, il nous arrive même de plaisanter en parlant de la voix un peu bizarre que la machine me fait. Mon mari a également changé sa routine de coucher et de lever, car mon médecin m’a conseillé d’aller me coucher au moment où le sommeil se fait réellement sentir, il marche donc au même rythme que moi et a noté lui-même une amélioration de son sommeil.
J’ai aussi fait des séances d’éducation thérapeutique et une thérapie cognitivo-comportementale pour apprendre à m’auto-gérer au moment de l’endormissement. Mon médecin m’a, en plus, demandé d’adopter quelques règles hygiénodiététiques, notamment concernant les excitants, le sport et les repas avant l’endormissement. Ces changements se sont tout à fait intégrés à mon quotidien et je n’éprouve pas de difficultés particulières à les suivre.