Pneumologue de formation, le Dr Marc Sapène, en plus de son activité libérale, a cherché au long de sa carrière à s’impliquer dans des actions de santé publique. Il prend par exemple régulièrement part à des efforts visant à développer l’éducation thérapeutique aux maladies du sommeil et est notamment à l’origine de la création du Centre d’éducation thérapeutique ambulatoire de Bordeaux.
Éveil & Somnolence : Comment êtes-vous arrivé au poste de rédacteur en chef de la revue Éveil & Somnolence et quelle est votre vision pour le futur de cette revue ?
Un certain nombre de patients restaient somnolents malgré une prise en charge correcte de leur apnée du sommeil. Il y avait donc une volonté de proposer des solutions innovantes pour ces patients-là. Lorsque l’on m’a proposé de m’impliquer dans ce projet, j’y ai vu une opportunité d’apporter une réponse à ces problématiques et c’est dans cette perspective qu’Éveil & Somnolence a vu le jour.
La revue peut paraître un peu hétéroclite, mais c’est là tout son intérêt et son originalité. Elle a vocation à faire dialoguer les différentes spécialités qui prennent en charge les pathologies du sommeil. Il s’agit pour Éveil & Somnolence d’offrir quelque chose de différent des revues scientifiques habituelles. L’objectif étant par exemple de s’aventurer dans des formats parfois plus journalistiques comme des interviews ou des reportages, ouvrant ainsi de nouvelles voies pour aborder les pathologies du sommeil.
À l’avenir, chaque numéro traitera d’une thématique précise, avec une forte orientation vers la prévention et la médecine collaborative. Cette vision répond à une volonté de sortir des carcans des spécialités et d’aller vers des vecteurs complémentaires, notamment via des supports audiovisuels qui sont en cours de production.
En tant que responsable éditorial, quel lien voyez-vous dans les articles recueillis dans ce numéro, pourtant d’apparence hétérogène, et pourquoi le choix de cette thématique ?
Ce numéro est très diversifié, à l’image de la médecine du sommeil. Malgré cela, on peut y voir un dénominateur commun : qu’elle soit primaire, secondaire ou tertiaire, la prévention des pathologies du sommeil est traitée dans ce numéro. C’est une lacune qui existe dans cette branche de la médecine et qu’il m’a paru essentiel de traiter, d’autant plus puisque la prévention de ces pathologies peut avoir des répercussions positives sur plusieurs aspects de la vie du patient.
Pour aborder ces pathologies, il est nécessaire d’appréhender ce trouble en commençant par l’âge du malade. Traiter correctement et efficacement un enfant qui présente un trouble respiratoire obstructif du sommeil permet de prévenir l’apparition de troubles neurocomportementaux et des difficultés scolaires et d’apprentissage. La littérature scientifique est claire sur ce point, soigner les ronflements d’un enfant prévient des conséquences sur d’éventuels troubles scolaires. D’autre part, pour ce qui est des adultes présentant un syndrome d’apnées du sommeil, les études montrent clairement qu’en le soignant, on améliore non seulement la qualité de vie du patient, mais on participe aussi à prévenir certaines maladies métaboliques comme le diabète, des maladies cardiovasculaires et surtout des accidents. En effet, le risque d’accident de voiture est huit fois plus important lorsque l’on est somnolent.
Quels leviers existe-t-il pour prévenir le syndrome d’apnées du sommeil ?
La médecine du sommeil, bien qu’étant un enjeu de santé publique majeur, peine à se retrouver sur le devant de la scène. Les patients qui nous consultent ont pour la plupart commencé très précocement à faire de l’apnée du sommeil. Compte tenu des coûts considérables de ce problème, il est primordial de chercher à le traiter à sa racine. Il est donc capital de constituer une stratégie de prévention primaire comme secondaire. Il est établi que les facteurs environnementaux, au premier rang desquels les allergies respiratoires, sont à l’origine des inflammations des voies respiratoires supérieures, entraînant une inflammation nasale chez les enfants en bas âge, ce qui conduit à un trouble de la croissance faciale et fait ainsi le lit d’un syndrome d’apnées du sommeil. En outre, les diagnostics chez l’adulte se font souvent tardivement, lors d’un épisode de fatigue majeur ou de somnolence, par exemple, alors qu’une prise en charge aurait pu être faite bien plus tôt.
Les allergies peuvent amener à dormir la bouche ouverte et mal positionner sa langue, ce qui a des répercussions sur le développement des voies respiratoires. Les enfants dans ce cas ont de grands risques de développer une apnée du sommeil plus tard dans leur vie. Un dépistage précoce et une prise en soins éventuelle sont donc nécessaires pour éviter la perte de la respiration nasale.
Quelles actions proposez-vous de mettre en place pour une prévention efficiente ?
Pour commencer, il faut réussir à convaincre les pouvoirs publics de l’intérêt de la plainte sommeil vers une démarche préventive et de promotion de la santé. La plainte sommeil est une excellente porte d’entrée vers la prévention d’autres problématiques telles que la nutrition et le tabagisme. D’expérience, il est plus facile pour les patients de commencer par agir sur leur sommeil avant de continuer sur l’alimentation et la consommation de tabac que de commencer d’office par modifier leurs habitudes à ce niveau-là. On accompagne les patients vers un meilleur sommeil puis vers une alimentation plus saine et une activité physique régulière. Les pouvoirs publics doivent apporter leur soutien aux professionnels de santé qui s’intéressent aux problématiques de sommeil.
En parallèle, nous devons repenser le parcours de soins proposé aux patients apnéiques en nous appuyant sur les prestataires de soins à domicile (PSAD). Ils peuvent être déterminants pour nous aider à consolider la démarche de prévention globale. Ce système est solide en France, notamment pour le diabète, mais il y a tout un corps de métier à développer autour des pathologies du sommeil. Enfin, les somnologues doivent devenir des préventologues et donc se former en conséquence. Les médecins du sommeil doivent pouvoir suivre des formations à la prévention de ces pathologies. Il est dorénavant de la responsabilité de chacun de prendre des initiatives dans ce sens. En ce qui me concerne, j’ai participé à la création de l’Institut prévention et apnées du sommeil (IPAS) dont les principales actions sont d’aider les structures de soins à mettre en place une unité de prévention, mettre en place et développer des formations pour accompagner les somnologues vers la prévention et prendre position face aux pouvoirs publics et aux agences régionales de santé concernant le dépistage précoce de l’apnée du sommeil, avec des actions en milieu scolaire par exemple. Une meilleure prévention facilitera la prise en soins et participera à améliorer encore la qualité de vie des patients.